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- INTERVIEW -

Louis-Gabriel Nouchi nous ouvre les portes de son nouveau studio de création,
fier et heureux d’avoir enfin trouvé un local qui puisse accueillir son équipe grandissante
et leur offrir un espace de travail digne de ce nom.

LOUIS-GABRIEL NOUCHI
Créateur de mode


Il est enthousiaste, souriant, créatif et un brin hyper actif. Le créateur vibre de sa passion pour le vestiaire masculin depuis plusieurs années et a su tirer son épingle du jeu. En 2017, il fonde sa marque éponyme LGN Louis-Gabriel Nouchi, qu’il pense comme une bibliothèque où chaque collection rendrait hommage à un livre qui a forgé son regard sur la société. En 2022, Louis-Gabriel reçoit le prix Fragonard « Mode Patrimoine(s) et Modernité » dans le cadre du concours de la Maison Mode Méditerranée. Cette année le créateur collabore avec Fragonard sur un projet autour du boutis.



Comment êtes-vous arrivé jusqu'à la mode ?

C'est un peu cliché, mais je dessine des vêtements depuis que je suis tout petit. J'adorais piquer la boîte à maquillage de ma mère à cinq ans et croquer des silhouettes de mode, aussi étrange que cela puisse paraitre. Quelques années après, je me suis passionné pour les dessins de mangas. J'ai beaucoup appris en passant des heures à recopier ces bandes dessinées et films d'animation.

J'aime dessiner depuis toujours et créer des univers avec les vêtements à travers mon trait de crayon. Cela dit, le milieu de la mode me faisait peur, parce que je n'étais pas du tout issu d'un milieu artistique ou bourgeois. C'était pour moi un monde très inaccessible. Du coup, j'ai eu un parcours un peu particulier, je me suis cherché professionnellement. J'ai eu mon bac très jeune, à 16 ans, puis j'ai fait deux ans de médecine et une licence en droit. Mais je voyais bien que cela ne collait pas avec ma personnalité

 

Mon entourage, voyant que j'étais obsédé par le dessin et le vêtement, me poussait à me lancer dans la mode. Je ne savais pas coudre, je n'avais aucun contact, mais j'ai commencé à harceler les rédactions de mode et finalement j'ai décroché un stage chez Vogue. Ca a été pour moi une révélation, j'ai donc décidé de faire une école de mode, La Cambre, en Belgique.

Je travaillais à côté, faisais des stages, j'étais obstiné et je me suis accroché. Après un passage au Festival de la mode d'Hyères, je suis parti me former au métier de tailleur en Italie. J'étais vraiment intéressé par la technique et j'ai toujours fait de l'Homme. Enfin, j’ai créé ma marque à mon retour en France. Des intemporels : costume noir, sweat gris, chemise blanche. J'y suis resté fidèle.

 

Si vous deviez décrire l'univers de votre marque en quelques mots ?

Cérébral, urbain, monochrome.


 

Quelles sont vos influences ?

Le vêtement est un moyen d'expression pour quelqu'un comme moi. Je travaille la sensualité de l'homme, loin des clichés auxquels on peut l'associer. C'est hyper intéressant. Je veux que ma marque soit une invitation à la réflexion sur l'homme à tous les niveaux. Comme une révolution.

J'ai toujours eu ce processus créatif de créer par rapport à des livres. Ma collection de dernière année à La Cambre était d'ailleurs inspirée de Alcools d'Apollinaire. J'ai toujours lu énormément. C'est un moment très intime, tout comme mon rapport au vêtement. Tu peux lire le même livre à des âges différents, tu ne l'interprèteras pas de la même manière. La lecture est un moyen pour moi de m'échapper de mon quotidien, d'apprendre des choses et de stimuler ma créativité. C'est à partir de ce constat que j'ai créé ma marque.

J'ai beaucoup pensé au livre l'Etranger d'Albert Camus ou aux Liaisons Dangereuses de Choderlos de Laclos par exemple, à ce genre de figures masculines toxiques. Comment ces personnages sont-ils toujours en adéquation avec des personnages que l'on peut travailler aujourd'hui ? Je pars d’abord d'un livre pour créer une collection. Je fais beaucoup de recherches en amont. L'hiver dernier, nous nous sommes inspirés d'American Psycho. C'était hyper intéressant de voir que cette satire des années 80 est toujours d'actualité car le costume de Patrick Bateman est depuis quelques années très populaire. Ou comment un serial killer devient une égérie.








J'aime leur côté

monochrome.

(...)

Tout blanc,

lisse,comme

une page vierge.





Qu'est-ce qui vous a attiré dans les objets Fragonard que vous avez choisi pour le studio et la boutique ?

J'aime leur côté monochrome. L'émail du vase ou l'aspect de l'assiette. Tout blanc, lisse, comme une page vierge. J'adore l'idée de partir d'une base neutre pour écrire une histoire, sa propre histoire, que ce soit avec les vêtements ou les objets.


Quel est le lien qui se crée entre votre marque et une maison comme Fragonard, qui a une identité assez différente ?

L’année dernière, la Maison Mode Méditerranée de Maryline Bellieud-Vigouroux a lancé un concours auquel j'ai participé. Et j'ai gagné une bourse et le Prix Fragonard, dans l'idée de travailler autour du boutis, qui est un savoir-faire typiquement provençal. Ce qui me plait par dessus tout avec Fragonard, c'est la notion d'héritage. C’est une marque qui est ancrée dans l'imaginaire collectif en France, et il y a peu de marques qui peuvent se prévaloir de ça. C'est une maison familiale qui est réputée pour son savoir-faire, et c'est en quelque sorte une madeleine de Proust pour beaucoup de gens. Le parfum est l'un des souvenirs les plus reptiliens que l'on puisse avoir. C'est une chance en fait de pouvoir rencontrer les personnes à l'origine de ça, car on ne parle pas forcément que de parfum, mais d'une vision, d'un art de vivre.


Quels sont vos projets communs ?

On a donc travaillé ensemble sur le boutis, qui a été présenté lors du dernier défilé. J'ai cherché à l'amener ailleurs tout en conservant ce savoir-faire exceptionnel. Il y a eu un gros travail de recherches en amont, auprès de l'équipe de Fragonard et des conservateurs de vos différents musées. C'était un super challenge et on va vendre ces pièces en boutique cet hiver. Celles-ci seront intégrées au fond de conservation des musées Fragonard. Je trouve ça important de faire perdurer la tradition de cet artisanat tout en le modernisant.

Texte et photos Andrane de Barry.

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